Comme tous les matins je m’étais éveillée dans les bras de Joshua. Je ne m’en lassais pas. Un an que l’on vivait ensemble et j’avais toujours le même sourire d’amoureuse en le découvrant à mon réveil. Il faut dire que notre passé n’a pas été de tout repos alors l’avoir pour moi, rien que pour moi et dans de telles conditions relevé du rêve. Jogging, petit déjeuner, douche, SMS à Macéo et voilà que nous étions tous deux parés pour la journée. Josh me laissa partir au travail, il n’embauchait que plus tard, me reviendrait en fin de soirée. Je le quittais sur un baiser avant de quitter l’appartement, de traverser la rue et de sonner au numéro de Macéo. J’enlaçais mon jumeau quand il me rejoint en bas et m’accompagna, bras dessus, bras dessous jusqu’à mon lieu de travail. Petit rituel auquel je tiens énormément… Tout comme je tiens énormément à lui…

La journée était vite passée et j’avais fini assez tôt, quittant le bureau dans un sourire et quelques rires, beaucoup excités à l’idée du week-end. A la sortie, je ne vis pas Macéo, il m’avait prévenu qu’il ne pourrait pas me retrouver, ça lui arrivait, j’espérais que c’était pour chasser une bestiole, pas un humain… Mais il n’avait pas eu d’accident ces derniers temps alors je continuais de croiser les doigts.
Je poussais la porte de mon appartement : « Josh, je suis rentrée ! » Silence. Pas un bruit dans l’appartement, je fronçais les sourcils avant de me frapper le front. Il ne rentrerait pas tôt ce soir : « Hypermnésique tu parles ! » Bougonnais-je avant de me débarrasser de ma veste et de mes bottines. Respirant de suite beaucoup mieux pieds nus. J’enfilais mes lunettes et attrapais le bouquin que j’avais commencé la veille, d’un auteur italien que je me suis toujours plu à lire.

La sonnette retentit alors et je levais le bout de mon nez, remontant mes lunettes dans mes cheveux j’allais ouvrir la porte pour y découvrir Aria. Une jeune fille que j’avais rencontrée il y a quelques temps. Jeune mais mature et sympathique, elle m’avait bien plu et malgré notre différence d’âge il me plaisait de papoter avec elle, notamment depuis que je n’avais plus de girls dans mon entourage…
Un sourire envahit mon visage alors que je lui fis une bise : « Aria ! Non, non tu ne dérange pas je suis seule ce soir ! Entre, entre ! » Dis-je en l’attirant vers l’intérieur de mon appartement : « Fais comme chez toi je te sers quelque chose ? » Questionnais-je à l’attention de ma jeune invité : « ça va et toi ? Pas trop durs les cours ? »

Aria s’était invitée et elle avait bien fait. En plus elle tombait à point nommé, j’étais seule pour la soirée et je n’aime pas l’être… Un peu de compagnie ne me ferait que du bien. Aria a beau être de sept ans ma cadette, on s’entend bien, puis elle est bien plus mature qu’elle n’y parait. Je l’invitais à entrer et lui demanda si elle voulait quelque chose. Elle me répondit un peu désintéressée et je levais les yeux au ciel : « Tu m’arranges pas la chose toi ! » Puis j’allais dans ma cuisine pour nous sortir deux bières. Pourquoi faire compliquer ?
Certes elle n’avait pas l’âge, mais je n’allais pas lui servir un jus de fruit ? Puis je n’étais pas dupe, genre elle n’avait pas touché à une goutte d’alcool ? J’ai eu son âge aussi, et j’en ai fait des conneries… Des dont je me serais bien passées d’ailleurs vu tout ce que ça avait brisé. Mais je m’extirpais vite de ces pensées pour revenir dans la pièce principale et déposer la bière décapsulée devant Aria alors qu’elle me demandait comment les chasses se passaient, j’haussais de nouveau les épaules : « Rien de bien palpitant, il faut dire que comparé aux affaires qu’on peut avoir dans les grandes villes… Forks est plutôt calme pour l’instant. » Dis-je avec un sourire, ce n’était pas un reproche, au moins je me reposais. Puis rien ne disait que ça allait durer…

Elle me questionna alors concernant mon frère, Macéo et mon chéri. Aria savait pour leur nature, un peu contre mon gré, notamment au sujet de Macéo. Elle m’avait surprise en pleine conversation avec les Cullens à son sujet, c’est ainsi qu’on avait su pour l’une et l’autre. Qu’elle avait appris pour ma nature et que j’avais deviné qu’elle n’était pas ignorante de la véracité du surnaturel. Je commençais par Macéo : « Mon frère va bien, ce n’est pas tous les jours facile, mais depuis qu’il a retrouvé son indépendance, son chez lui, il a l’air un peu plus joyeux. Alors ça me suffit. » Enfin, c’est déjà ça. J’ai tendance à me contenter de peu… « Pour Joshua, il va bien, je suis un peu triste de pas l’avoir pour moi ce soir, mais bon il m’avait prévenu, j’avais juste oublié. » Dis-je en faisant une grimace. J’appréciais d’avoir Joshua en continue à mes côtés. J’avais besoin de lui , de son réconfort, de ses étreintes, ses paroles. Il m’apaisait quand je commençais à me poser trop de questions, et notamment quand je commençais à m’inquiéter du paternel… Où est –il ? A-t-il changé d’avis ? Finira-t-il par laisser mon frère en paix ? ça me tiraillait le crâne, c’était insupportable…

« J’ai été un peu prise ces derniers temps, désolée si je n’ai pas donné beaucoup de nouvelles. » Dis-je à l’attention d’Aria en m’assaillant en tailleur sur mon fauteuil, attrapant ma bière et commençant à la boire à petite gorgée, appréciant sa fraicheur. « Faut dire qu’entre le boulot, le blog et les histoires familiales j’ai de quoi faire. » Dis-je en levant les yeux au ciel. C’est vrai que je n’arrêtais pas. J’avais beau me plaindre, j’étais contente d’être occupée…

Je revins dans la pièce principale, dans une main mes deux bières fraichement sortie du frigo, dans l’autre un décapsuleur. Certes, je n’en avais pas réellement besoin, le fait d’être chasseuse me confère une force qui m’aurait permis d’arracher les capsules facilement, mais je n’avais pas envie qu’Aria ne me voit que comme une chasseuse surnaturelle. On était amie avant tout, jamais le fait qu’elle me considère comme totalement normale et pas uniquement de par ma nature…

Je ne m’attardais pas sur le sujet de la chasse. Je ne sais pas pourquoi, parfois j’ai juste envie d’être une fille de 25 ans tout ce qu’il y a de plus normal… J’eus un grand sourire lorsqu’elle me proposa de rester avec moi ce soir jusqu’à ce que Josh se décide à rentrer, j’opinais vivement : «  Si ça ne t’ennuie pas, je veux bien, puis ça nous permettra de papoter un moment. » Dis-je avec un sourire sincère, avide de discussion entre filles ces temps-ci. Je bus une gorgée de ma bière fraîche, appréciant son goût avant de reprendre : « On aura qu’à le laisser à la porte et finir la soirée que toutes les deux, ça lui apprendra tiens. » Dis-je avec une moue boudeuse avant d’échapper un sourire en imaginant l’air qu’il prendrait si je barrais la porte de l’intérieur…

On s’installait dans mon petit salon et je la regardais, constatant qu’elle avait l’air un petit peu préoccupée. Je me levais alors de mon fauteuil pour venir m’asseoir à côté d’elle, m’accoudant au dos du canapé et la fixant avec un sourire : « Tu sais Aria, quand je te demande si ça va, c’est pour que tu me répondes sincèrement… » Je bus une nouvelle gorgée de ma bière en la fixant avant de reprendre avant qu’elle ne me contredise ou quoi : « Je vois bien que tu es tracassée et je n’aime pas ça, raconte-moi... » Puis je m’asseyais en tailleur sur le canapé pour lui faire face, un petit regard suspect mais curieux prenant place sur mon visage : « C’est par rapport à Will ? »
J’espérais que ce n’était pas trop grave, pas quelque chose qui la tracassait vraiment trop. Elle m’avait parlé des sentiments qu’elle éprouvait pour son ami, ça m’avait fait sourire. Non pas que je trouvais cela désuet ou niais, mais parce que ça me rappelait étrangement mon histoire avec Joshua. Je l’aimais depuis un moment, sans réellement savoir comment lui avouer, je m’étais sentie tiraillée, j’avais peur de lui dire et de me prendre un vent monumental, après tout il était plus âgé que moi… Mais je me souviens aussi parfaitement de la joie que j’ai ressenti quand il m’a avoué partager mes sentiments. Si bien que nous sommes toujours ensemble après tant d’années… Même si nous avons nos coups durs… Comme tout le monde je pense.
Mais je ne voulais que le bonheur d’Aria, elle le mérite amplement après tout elle soutient tout le monde, est toujours là pour écouter et soutenir. Pour une fois, il serait bien qu’elle soit elle aussi sur son petit nuage et qu’elle ait un amour pour elle, rien que pour elle.  

J'hausser les épaules à ce qu’elle ajouta alors que je prévoyais de me venger de Joshua. Il a beau avoir un sale caractère il ne s’en prendra pas à Aria et encore moins à moi, il sait très bien qu’il risque de perdre si on se lance dans ce petit jeu de couple…  Donc je ne m’inquiétais pas trop et savais que malgré tout, je finirais par l’accueillir bras ouverts, même si je le faisais un peu languir…

Je sentais qu’elle n’était pas dans son assiette et je savais qu’il suffisait de la lancer un peu pour qu’elle se lâche et dise ce qui n’allait pas. Je n’eus pas tort. Sachant qu’elle allait réfuter, sûrement par politesse, faire en sorte de ne pas se plaindre ou je ne sais quoi, monopoliser la parole peut-être ? Bref, je préférais lui indiquer d’y aller franchement et de se décharger de ce poids plutôt que de broyer du noir et penser me berner en me faisant croire qu’elle était en forme.  J’eus enfin le ‘ça va, mais…’ et je sus alors qu’elle était partie et que j’allais en savoir plus, même si au fond je savais plus ou moins quel pouvait être le sujet de son souci. Elle fit une pause mais je n’intervins pas, la laissant reprendre, ce qu’elle fit et je me contentais d’opiner à ce qu’elle dit.  Je n’insistais pas, ne creusais pas, je n’aimais pas quand on me le faisait alors je n’allais pas lui faire, pas logique.
Finalement elle n’était pas si lancée que ça et laissais ses phrases en suspens sans réellement que je sache sur quel point m’appuyer. Je tentais alors l’hypothèse de Will et j’eus de nouveau droit à une réponse évasive. Je finissais ma bière et elle en fit de même avant de reprendre la parole. Le sujet Will finit par lui délier la langue et je l’écoutais alors qu’elle m’expliquait où ils en étaient tous les deux. Pour le coup elle était partie et je me contentais d’opiner d’un signe de tête montrant que je l’écoutais sans la couper dans son élan.

Aria n’avait pas confiance en elle à ce sujet, elle est éprise de lui mais ne sait comment l’avouer, comment gérer ses sentiments. Puis elle a un passé complexe qui la tiraille alors ce n’était pas simple comme situation. Je n’ai jamais été dans ce genre de situation, je n’aime pas me prendre la tête et m’entête à ne pas trop faire le premier pas, sauf si je sais qu’il va y avoir un retour. C’est ce qu’il s’était passé avec Kyle, puis avec Joshua on y était allé plus doucement, parce que j’avais tout simplement du mal à lire en lui…
Alors je ne pouvais vraiment me mettre à la place d’Aria, mais je n’allais pas la laisser en galère et sans moral pour autant ! « Et lui de son côté, tu sens qu’il a changé à ton égard ou pas ? » Questionnais-je enfin. Après tout, s’il s’était montré distant c’est peut-être qu’il avait percé à jour Aria et qu’il ne pouvait retourner ses sentiments. Mais à l’inverse, s’il était toujours le même avec elle, alors c’était plutôt bon signe, s’il était encore plus proche d’elle alors c’était encore mieux. Et encore, je me base que sur la norme, il y a toujours des tordus étranges. « Il a réagi comment, quand tu lui as parlé à cœur ouvert de ton passé ? » Continuais-je en posant ma bouteille de bière vide et continuant de regarder Aria.

Même si Aria sait y faire pour cacher ce qu’elle ressent et son mal-être, je suis habituée à la voir ruser de la sorte. Puis je suis chasseuse, analyser les expressions d’une tierce personne est devenue une habitude chez moi. Je ne savais pas trop pourquoi certaines personnes ont l’habitude de faire ainsi. Autant déballer et avoir des conseils pour avancer non ? Pourquoi avoir peur de ces conseils ? Au départ, je ne cherchais pas, concluant qu’elle ne me faisait pas suffisamment confiance pour cela. Mais à force de la côtoyer j’avais tenté. Au final, j’avais compris qu’elle craignait de m’importuner d’où ce blocage à parler, mais elle n’avait pas à être ainsi avec moi et j’avais fini par deviner qu’il suffisait d’insister une ou deux fois pour qu’elle se libère de ce poids pesant sur ses épaules. A force de retenir en soi, ça déborde et ce mal-être est d’autant plus accablant…
Ça pouvait être blessant qu’on doute ainsi de moi… qu’est-ce que j’avais bien pu faire pour ça ? Pour qu’il y ait un doute sur notre amitié… Qu’elle hésite de la sorte. J’avais simplement conclu qu’Aria est ainsi et je pris sur moi, mais ce n’était pas des plus agréables, je me devais de l’avouer même si j’étais déjà très satisfaite de notre amitié. J’avais, il me semble, suffisamment prouver mon amitié à son égard. Après, je la laissais penser comme elle le désire, elle est plus jeune que moi, c’est peut-être pour cela, puis je n’ai pas eu beaucoup d’amie jusque-là, peut-être que je m’y prends mal ? Je cessais de me torturer l’esprit à chercher réponses à mes interrogations. Le contexte n’était pas à cela.

Je m’en rendais d’autant plus compte lorsqu’elle évoqua son passé douloureux. Jamais elle ne s’en était confiée, montrant la différence entre l’amitié qu’elle semble m’accorder et celle qu’elle offre à Will. Mais, je ne bronchais pas, je ne suis pas du genre jalouse, je comprenais, après tout, je suis pareille avec Max non ? Même si jusque-là je n’avais pas caché grand-chose. Chacun se doit de forger ses relations comme il l’entend, ce n’est pas aux autres d’en décider à leur place. Alors je comprenais, après tout, on ne se connaît que depuis un an, il lui faut sûrement plus pour s’ouvrir entièrement. Après tout, elle me racontait, justement, qu’elle venait juste de se confier à Will à ce sujet.

J’écoutais en silence, notant dans mon esprit mes remarques pour ne pas la couper dans son récit. Puis, il y eu un rapide silence pendant lequel je débarrassais nos bières vidées pour en sortir d’autres. Sujet difficile, alcool oblige !
Je déposais une nouvelle bière décapsulée sur la table devant Aria avant de m’installer de nouveau à ma place en buvant une gorgée de la mienne. Elle me demanda ce que j’en pensais, désireuses d’avoir mon point de vue sur cette situation ambiguë entre elle et Will. Je réfléchis un court instant, cherchant mes mots avant de prendre, à mon tour, la parole : « Je pense que toutes ces étreintes prouvent bien qu’il te soutient, ça c’est un fait, mais je pense qu’il y a un peu plus derrière. » Aria a des sentiments pour lui, elle me les a plusieurs fois décrits pour m’en convaincre.
Elle l’aime, tendrement, elle tient terriblement à lui. Mais Will dans tout ça ? Je n’ai que le point de vue d’Aria mais tout ce qu’elle me compte à ce jour me laisse penser qu’il pourrait y avoir un peu plus de la part du jeune homme : « Je ne connais pas Will donc ce ne sont que des suppositions d’accord ? » Ajoutais-je avec un sourire pour pas qu’elle ne jure que par mes dires même si je savais parfaitement que ce ne serait pas le cas. Elle n’avait pas suffisamment confiance en elle pour cela : « Il tient énormément à toi, il t’a écouté, il t’a rassuré, il ne s’en est pas moqué comme certains peuvent faire… » J’avais moi-même pensé avoir des amis, des proches, des confidents là pour me soutenir, mais qui faussaient l’intérêt et l’écoute, ce qui est d’autant plus déchirant et blessant. « Tu l’as ressenti comme ça non ? » Questionnais-je rapidement, lui laissant temps de répondre avant d’ajouter : « Je pense que vous avez eu un moment, ça vous a rapproché même indirectement. Pourquoi tu t’es détachée ? Bon signe que cela ne soit pas venu de lui, mais justement il aurait fallu en tirer le plus profit... » Je la questionnais du regard pour qu’elle me réponde, l’écoutant de nouveau avant d’ajouter une dernière fois : « Et lui, s’est-il déjà confier à toi de la sorte ? »