Nous commençons à nous organiser pour offrir un service médical de qualité à nos patients, mais il y a encore quelques lacunes. En plus de quelques médecins et autres aide soignantes, nous pouvons compter sur le soutien de quelques civils ayant de brèves notions de médecine, qui apprennent sur le tas les choses les plus rudimentaires, mais qui donnent tout de même un coup de main non négligeable quand on est à cours de temps, appelé au bloc pour une opération plus importante que quelques fils. Enfin, nous ne serons jamais contre quelques bras supplémentaires, et justement, j'ai entendu dire qu'une infirmière s'était installée en ville. D'accord, peut-être que Silas, dans sa volonté de protéger les siens même quand il ne les a pas sous le nez, a trouvé brillante l'idée de me suggérer de garder un œil sur sa sœur. J'y songerai ce soir, si mon emploi du temps me le permet, quand le soleil sera assez bas dans le ciel pour que je puisse sortir dehors sans qu'il ne fasse refléter ma peau de ses rayons.

Seulement, je dirai que les grands esprits se rencontrent. Parce qu'alors que je viens de finir avec un de mes jeunes patients, traumatisé par l'attaque manquée d'un de ces vampires qui brulent au soleil - race étrange s'il en est -, l'une de mes collègues utilise mon bipeur pour me demander de la rejoindre à l'entrée.
Quelques minutes et une explication plus tard, je pénètre dans la salle d'attente où ma collègue a guidé notre visiteuse du jour, me présentant tout en tendant une main vers elle pour la saluer.

"Docteur Carlisle Cullen. On m'a dit que vous souhaitiez nous apporter notre aide ici."

Elle sert la main que je lui tend et je remarque qu'elle n'a pas le moindre mouvement de recul face à ma peau froide. Avec le frère qu'elle a, la remarque-t-elle seulement? Elle se présente à son tour, m'expliquant la raison de sa présence en ce lieu. Si nous n'avons pas vraiment fait de campagne de publicité pour l'hôpital et le soutien dont nous aurions besoin, le bouche à oreilles a semble-t-il été efficace. Ce qui est aussi bien. Je préfère la voir nous proposer ses services que devoir aller la chercher en finissant par lui expliquer que son frère tient à ce que nous veillons sur sa sécurité. Ce qu'il lui a raconté à notre sujet? Une question qu'il faudra que je pose au policier quand je le reverrai.

"Bien sur. Toute aide est la bienvenue. Evenson vous dites? Un lien avec Silas j'imagine?"

Si je fais un peu l’âne pour avoir du son? Je pense que la question se posera un jour, alors autant mettre les pieds dedans. Oui, je connais le vampire, même si nos relations sont plus professionnelles qu'autre chose.

"Vous avez déjà travaillé dans un hôpital? C'est un peu différent du libéral, mais le fait que vous ayez les connaissances médicales nous sera déjà d'une aide précieuse. Pour le reste, ce ne sera sans doute qu'un temps d'adaptation."

Je lui fais signe de me suivre après avoir vérifié que le nombre de patients dans la salle d'attente et la gravité de leurs besoins médicaux me permet de réserve mon temps pour la jeune femme.

"Nous serons plus tranquilles pour en discuter dans mon bureau. A moins que vous ne vouliez visiter les locaux tout de suite."

Il semblerait qu'elle ne s'attendait pas à ce que je connaisse son frère. Je ne dirai pas que je le "connais bien", comme je peux connaitre certaines personnes depuis plusieurs décennies, mais il nous est arrivé de le croiser assez régulièrement depuis notre arrivée ici. Il semblerait même qu'il n'ai pas attendu Blackstone pour rencontrer Jasper et Nessie, arrivé à Forks quelques semaines plus tôt.

"En effet, j'ai eu l'occasion de le rencontrer. Ses enquêtes trouvent parfois un aboutissement plus ou moins heureux ici."

Autrement dit? Il y a les blessés... et il y a les morts. Qui commencent à se compter au vu de la population des environs. Honnêtement, c'est bien la première fois où j'ai l'impression que le vampire que je suis ne va pas assez vite sur quelque chose. Bien que j'accorde ce point à Dmitri. Même si nous arrivons à finaliser notre projet de synthétiser du sang comestible, nous ne convaincrons jamais tous les vampires des environs d'en consommer. Cependant, ceux que nous convaincrons serons toujours autant de meurtriers en moins.

"Aucun tord," ou presque, mais peut-on vraiment en vouloir à un sanguinaire de se nourrir? Je ne force personne à adopter notre régime alimentaire. Soyez sans crainte. Votre frère me semble un homme bien."

Je hoche la tête, en parfait accord avec elle quand elle m'explique avoir déjà travaillé en hôpital - chose que son frère aurait pu me préciser en revanche - et s'adapter comme on le demande aux infirmières. Il est vrai qu'on leur demande une plus grande souplesse que la plupart des médecins, cantonnés à une même spécialité tout au long de leur vie. Si je diffère un peu, sachant être aussi utile aux Urgences qu'au bloc opératoire? J'ai eu plus d'une vie pour apprendre, et me familiariser avec les nouvelles techniques, et je sais que j'en apprendrais encore bien davantage au cours des siècles à venir. Cette curiosité et ce savoir, plutôt que de les garder pour moi, autant les rendre utiles au plus grand nombre.

"Bien. Suivez moi alors. Ce n'est pas très loin."

Je la mène à travers un couloir, puis un second, aux mêmes murs blancs aseptisés - peut-être la seule chose qui m'a toujours fait horreur dans mon métier - jusqu'à ouvrir une porte que je maintiens ouvert le temps de son passage, avant de la refermer derrière elle. Ainsi, nous serons à l'abri des oreilles indiscrètes.

"Voulez-vous un café pendant que nous discutons?"

La jeune femme me fait l'éloge de son policier de frère, tout en se renseignant du lien entre lui et moi. Ma première rencontre avec le commissaire? Une de ses enquêtes, concernant l'un des nôtres semble-t-il, l'a emmené de Portland à Forks. Et après avoir rencontré deux de mes fils et ma petite-fille, nos routes ont fini par se croiser.

"A Forks. Son travail l'a amené là-bas. J'ai l'impression qu'il ne prend pas souvent de vacances, votre frère."

La clinique qui se fout de la charité? C'est possible. Nos métiers sont plus proches qu'il n'y parait, en plus d'être complémentaires, chacun à son niveau. Le crime ne prend pas plus de vacances que les besoins hospitaliers.

Je la laisse s'installer dans mon bureau, pendant que je m'occupe de la machine à café. Deux tasses, une capsule et un bouton à appuyer, rien de plus simple. Je reviens vers elle quelques instants plus tard, les deux tasses dans une main, une boite à sucres dans l'autre. Pour finir par déposer une tasse et la boite devant elle, et contourner le bureau pour me placer face à elle.

"Faites attention, c'est chaud."

Dixit la personne qui n'a pas pris gare à la température de la tasse précédemment. Je l'observe un instant jeter un œil autour d'elle, notant la décoration de l'intérieur, et souris poliment avant de répondre à sa question muette alors que son attention revient vers moi.

"Ma femme. La décoration d'intérieur, c'est son affaire. Vous devriez voir ce qu'elle a fait de notre maison."

De l'admiration dans ma voix? Surement. Après toutes ces années, toujours autant d'émotions positives entre nous, et cela n'est pas près de changer.